lundi 30 avril 2007

Séminaire du 28 mars

L’Afrique des royaumes et des empires
Du 7ème au 14ème siècle



Au cours de sa troisième conférence, le Docteur Antoine Tshitungu Kongolo s’et penché sur la période qui court de l’invasion arabe au VII° siècle jusqu’aux « voyages de découvertes » du XV° siècle. En guise de rappel, il a évoqué des faits majeurs qui ont marqué la destinée des peuples africains entre le début du déclin de l’Egypte pharaonique, conquise par les Grecs en 332 avant Jésus-Christ, et les voyages de découvertes, préfiguration en quelque sorte de la traite négrière. Il a admis que ces découpages chronologiques comportent une part d’arbitraire mais visent à procurer des repères.

Il a récusé d’entrée de jeu, l’expression de « siècles obscurs » dont on a coiffé volontiers cette période (du 7ème au 14ème siècle), à tort, selon lui.
L’Afrique connaît des mutations décisives marquées notamment par l’hégémonie de la Grèce et de Rome sur l’Egypte et la Nubie, les invasions arabes à partir du VII° siècle, la geste des Almoravides, les migrations des populations vers le sud en raison des changements climatiques dans le Sahara.

La donne africaine sera profondément modifiée par le processus d’islamisation de l’Egypte, de l’Ouest et de l’Est africain. Des populations islamisées de Shiraz (Perse) s’installent également dans les îles et sur le littoral de l’Est. La Nubie chrétienne va jouer un rôle important et son héritage culturelle sera relayé par Axoum, préfiguration de l’Ethiopie, longtemps symbole de l’indépendance africaine notamment pour avoir vaincu et tenu en échec les veilléités d’expansion coloniale des Italiens à Adoua, en 1896, sous Ménélik II.

Tout aussi marquant est la migration des proto-bantu vers les régions de l’Afrique centrale et australe.Ces derniers vont diffuser la technologie du fer dont la maîtrise permet la création des vastes ensembles politiques en l’occurrence, les royaumes et les empires. Parmi ces derniers, la primogéniture revient au royaume de Ghana.

L’Afrique voit se développer des échanges tant sur son sol qu’avec l’Asie, l’Europe, la Chine et même la Malaisie qui lui apportera d’ailleurs la banane.Introduite via la côte est ; elle constitue une révolution car elle fournit : nourriture, boisson, et logement grâce aux fibres.

Le conférencier s’est plu par ailleurs à brosser les facteurs de mutations à l’échelle du continent .Les échanges interafricains ont pu prndre appui sur les progrès des moyens de communication ; l’extension du réseau commercial; l’augmentation des volumes d’échanges.
La conquête arabe créa les conditions d’utilisation massive du chameau.L’expansion musulmane a également donné un effort considérable à la navigation (liaison commerciale entre l’Afrique orientale, les pays de l’océan indien , de la mer Rouge et de la méditerranée). A noter aussi la construction des grands ports munis d’arsenaux au Maghreb, à l’exemple de Tunis, d’Oran, d’Arzila, d’Alger.Implosion du trafic entre les différentes régions du monde ainsi que l’essor urbain sont des marques de ces échanges.
Des villes comme Kumbi (Ghana), Sillä et Barisä sur le fleuve Sénégal, Käw-Käw sur le Niger assuraient la jonction entre le monde musulman et le pays de la savane et de la forêt ouest-africaines. C’est dans cette foulée que sont fondés des comptoirs sur la côte orientale de l’Afrique : Mogadiscio, Malindi, Mombassa, Kilwa, Sofala, Kizimkazi à Zanzibar.



L’orateur a subdivisé son propos en quatre volets :

1. Meroë et Axoum ;
2. Les empires de l’Ouest africain ;
3. En Afrique centrale ;
4. Les aspects économiques et technologiques des changements à l’échelle africaine.

Quels sont les traits marquants de cette période ?

La mainmise de l’islam sur des vastes zones ; l’expansion des échanges et des relations commerciales, la constitution des royaumes et empires.
Il convient de souligner avant le VII° siècle, la christianisation de l’Egypte et de la Nubie, la conquête de l’Egypte par les Musulmans, le déclin de la Nubie qui passe en quelque sorte le flambeau à Axoum, préfiguration de l’Ethiopie. Après le VII° siècle, l’islamisation de l’Afrique du Nord et du Soudan ainsi que la migration des Bantou sont des phénomènes majeurs. Les échanges avec le Golfe Persique, l’Inde et l’Asie sont tout aussi importants.
Les transferts de technologie comme les échanges avec le monde extérieur montrent ques dès le premier millénaire, dans la période qui suit l’occupation romaine de l’Egypte et de la Nubie, l’Afrique est loin d’être un continent isolé et replié sur lui-même. Sa contribution au commerce mondial en atteste par son ampleur. Les apports de l’extérieur comme l’introduction de la banane venue de Malaisie vont également marquer cette époque.
S’agissant de la technique du fer, elle a été diffusée par les Bantous à partir de l’Ouest beaucoup plutôt qu’on ne le pensait. Du reste, la plupart des royaumes et empires ont pour fondateur mythique un roi-forgeron (e.a. le royaume de Kongo). Il convient aussi de souligner certaines mutations découlant du contact avec les voyageurs portugais au XV° siècle.
En somme, toute une série d’évolutions comparables se dessinent dans l’ensemble du continent.Des mutations économiques et des culturelles se préparent annonçant l’âge d’or des royaumes et des empires (Ghana, Mali, Kongo etc.).
La diffusion de la technique du fer sédentarise davantage des populations, permet des surplus, et accroît les échanges et participe de la complexité des pouvoirs.


1. Meroë et Axoum

Déboutés d’Egypte par les Assyriens les rois de Nubie installèrent leur capitale à Napata vers 650 BC.L’Egypte reprend sous la XXVI° dynastie sa politique d’expansion vers la nubie (destruction de Napata en 591 BC par le Pharaon Psammétique II). Il s’ensuivit le transfert de la capitale à Meroë. Advint la période romaine. Le royaume se délita. L’histoire a retenu la résistance des reines nubiennes les Candaces face aux Romains.La Christianisation s’opéra à partir de l’Egypte et de l’Eglise monophysiste copte.
La progression de l’Islam se heurta à l’existence d’Etats chrétiens et à l’attachement des populations à leur foi chrétienne. Après plusieurs tentatives infructueuses de conquête les Arabes concluent avec les Nubiens un traité, le bakt qui assura l’indépendance de la Nubie. Le glas du christianisme en Nubie va sonner avec l’avènement d’un roi converti à l’Islam en 1315.
On assiste à l’expansion d’Axoum sur les deux rives de la Méditerranée. La population est d’origine yéménite dont un clan, les Habashat, va donner le nom d’Abyssinie. Royaume maritime et commercial qui se christianise sous l’influence de la Nubie sous le règne d’Ezana. Axoum connaît l’apogée à l’époque de Kaled au VI° siècle AD. Mais il perdra le contrôle de l’Arabie du Sud.
L’expansion musulmane à partir du VII° siècle AD entraîne la perte de l’Arabie ainsi que la coupure avec le monde byzantin.
Axoum est le noyau de l’Ethiopie chrétienne dont le Kebra Nagast propose la chronologie des rois en postulant des origines salmoniennes et chrétiennes.

2. L’Afrique de l’Ouest
2.1 Le Ghana
La version selon laquelle ce royaume dont la capitale était Koumbi Saleh aurait été dirigé d’abord par une dynastie blanche de 44 princes avant 750 est contesté. Le mot Sarakhollé fait allusion aux métissages avec les Berbères ou sémites sahariens. C’est avec un roi de race noire que le royaume s’imposa formant un véritable empire, du Tagant au Haut-niger, du Sénégal à Tombouctou. Le Kaya Maghan règne sur plusieurs royaumes : le Tékrour, le Sosso, les principautés berbères de Walata et de Awdaghost.
L’organisation politique assurait la prospérité et la sécurité du Ghana. Le Grand Conseil du roi comprenait : des hauts dignitaires, (dont des affranchis et des musulmans), les fils des rois vaincus. Le roi avait charge de rendre la justice. Il est à noter que la succession était matrilinéaire. L’empereur était animiste ainsi que l’ensemble de ses sujets, la bienveillance à l 'égard des Musulmans était de règle.
Vie économique : outre l’agriculture et l’élevage, l’exploitation de l’or du Galam, de Bambouk, de Bouré assure la propspérité du royaume. S’y ajoutent l’ ivoire, la gomme et les esclaves.
Le royaume sera affaibli par les Almoravides. Koumbi fut prise et saccagée malgré une armée de 200.000 hommes dont 40.000 archers. Ghana recouvrit son indépendance mais les forces centrifuges s’accentuèrent : migrations de Sérèer et Wolof vers le Sud. Gao et Tombouctou prirent de l’essor. Ghana passa dans la mouvance de Sosso puis du Mali.

2.2. Le Mali
Les faits relatifs à Soundjata ont été narrés par les griots. Il ressort de leurs récits que Naré Famaghan, le père de Soundjata, a plusieurs épouses dont Sogolon Kanté. Cette dernière est la mère de Soundjata ou Mari Djata.
Soumaoro, roi de Sosso, conquiert le Manding et fait périr les princes. D’aucuns s’adressent à Mari Djata, l’enfant infirme, en ces termes :
« Donnez-lui donc le sceptre de son père pour qu’il se redresse en s’appuyant dessus
Suite aux exactions de Soumaoro, Soundjata tente de réunir une armée pour tenter de mettre fin à l’hégémonie du roi de Sosso. La bataille de Kirina , entre Bamako et Kangaba, sur la rive gauche du fleuve Niger va sceller la victoire de Soundjata qui s’empara d’abord de Sosso et de ses dépendances : le Baghana, le Nord du Bélédougou, le Ouagadou, le Bakourou, et la cité de Koumbi.
Il lui fut conféré le titre de Mansa par les chefs rassempblés à Kourou-Kan-Fougha. La capitale fut transférée à Niani. Annexion de la deuxième grande région de l’or du Soudan, le Bambouk et aussi le Bondou, le Bas-Sénégal, la Basse-Gambie et les provinces extrêmes occidentales de l’ancien Ghana.
Mort en 1255, Soundjata aurait développé la culture du coton, de l’arachide et des papayes ainsi que l’élevage. Il mit sur pied une imposante armée des fantassins et une cavalerie.
Les successeurs :
Mansa Oulé (1255-1270) : effectua le pèlerinage à la Mecque. Sous son règne la tendance à la décentralisation de l’empire s’accentue. A travers notamment, l’installation des grands généraux comme feudataires.
Après la mort d’Aboubakar 1er (1285), des difficultés de succession débouchèrent sur l’avènement de Sakoura, esclave affranchi de la famille royale et homme de guerre. Il annexa le Macina aux dépens du roi de Gao et Tékrour aux dépens du Dyara qui devint son vassal. Les caravanes du Maghreb et de Tripoli affluèrent vers le Mali. Sakoura fut assassiné au retour d’un pèlerinage.
Aboubakar II, neveu de Soundjata, devint roi en 1303. Il aura marqué à sa façon le cours de l’histoire par deux tentatives d’exploration de l’Océan atlantique qui s’achevèrent par un désastre.
Kankan Mousa (1312-1332)
En 1324, il fit le pèlerinage à la Mecque dont il ramena le poète architecte Abou Issak dit Es Saheli, originaire de Grenade. Relança l’expansion de l’Islam et fit construire à Tombouctou la grande mosquée de Djinger –ber ainsi qu’ une magnifique résidence.
Il dépêcha des ambassadeurs près les sultans du Maghreb et du Caire.
L’étendue de l’empire du Mali sous son règne : du Sud-saharien (populations berbères) jusqu’à la forêt guinéenne, de l’Atlantique au pays Haoussa.
Maghan : (1332-1336)
Sous son règne eut lieu le sac de Tombouctou par les Mossi. Le chef des Touareg de Takedda (Aïr) reconnut la suzeraineté du Mali.
Qu’en est-il de la religion ? L’Islam imprégné de grande tolérance (polygamie, consommation des viandes considérées comme impures, pratiques fétichistes) s’adonnait à l’enseignement du Coran, prônait l’observance du ramadan et de la Tabaski. Commerçants Sarakhollé et Dioula furent les vecteurs d’expansion de la religion musulmane. Les marabouts formaient une noblesse du turban, à côté de la noblesse des hommes libres.
L’organisation politique se caractérise par une décentralisation très large :
Les provinces étaient administrées localement par un Dyamani Tigui ou Farba. Elles étaient subdivisées en cantons ou Kafo et en villages ou Dougou.
L’autorité villageoise est bicéphale : un chef de terres religieux; un chef politique. Idem pour certains territoires éloignés. Les royaumes annexés gardent à leur tête leurs chefs traditionnels; le Farba du roi y tient le rôle de ministre-résident. Au surplus, le respect de coutumes locales est de strict observance.
Les royaumes subordonnés constituaient la zone périphérique. Ils n’étaient pas organiquement liés au centre mais reconnaissaient l’hégémonie de l’empereur.
Les revenus de l’empire étaient constitués de dîmes sur les récoltes et le bétail; la réquisition de pépites d’or; les taxes douanières, le butin de guerre ainsi que le commerce transsaharien.


2.3. Les royaumes Yoruba et le Bénin
Au Sud-est du Nigeria chez les Ibo, la communauté favorisait l’initiative individuelle. L’unité socio-politique est le village, on note la pratique de l’exogamie et l’importance des marchés.
Au Sud-ouest : des principautés Yoruba qui seraient venues du Haut-Nil par vagues successives entre le VI° et le XI° siècle érigèrent des principautés qui formaient une sorte de fédération. Au sein de celle-ci, Ilé Ifé constituait en tant que le lieu de dispersion local, la source de légitimité du pouvoir. Y revenaient la dépouille de tous les rois et leurs insignes à l’exemple des villes saintes de la Thébaïde pour les Pharaons et Gambada pour les Mossi.
Dans la pricipauté d’Oyo, l’Alafing (le roi assisté par les Oyo-Mesi, conseil de 7 membres) règnait pour une durée limitée à 14 ans. Le roi pouvait être sanctionné, on lui faisait porter une calebasse vide et des œufs de perroquet pour le sanctionner en cas de faute gravissime.
Au niveau de la cité, le Balé assumait le pouvoir, son élection devait être enterinée par l’Alafing d’Oyo. Il était flanqué par ailleurs d’un collège de notables.

Le Benin est lié à Ife, sa fondation remonte au XII° siècle et son apogée au XV°. Ewaré le grand médecin et soldat fut intronisé vers 1440. L’Oba était un monarque absolu et justicier suprême.

2.4. En Afrique Centrale
Globalement, c’est la poursuite de la vie néolithique de cueillette, de chasse et de rudiments d’agriculture.
On assiste au passage rapide voire direct entre les cultures de la pierre et celle du fer sans les transitions de l’âge du bronze et du cuivre comme en Europe et en Asie.
Il en résulte des collectivités plus vastes, des organisations plus complexes et plus hiérarchisées.
En ce qui concerne le transfert des techniques métallurgiques, dans l’état actuel des recherches, il est établi que trois relais ont joué un rôle de manière concomittante ou séparée :
Meroë sur le Nil à travers le Soudan vers l’Afrique Centrale; les contacts transsahariens entre la côte méditerranéenne, l’Afrique occidentale, le Soudan et le Congo; l’Océan Indien où les Indo-Malais auraient été les initiateurs des peuples côtiers.
Il convient toutefois de relever par exemple qu’entre le 3ème et le 5ème siècle, la civilisation de Nok , dans le Nigeria actuel avait connaissance de la métallurgie du fer. On ne pourrait nier, par ailleurs, la réalité des innovations locales. En effet, dès le 1er siècle de notre ère des populations du Congo manifestèrent leur connnaissance de la technologie du fer. On peut citer à la rescousse les exemples de Luozi dans le Bas-Congo et du Katanga.
Au total, les migrations et la technique de métallurgie du fer sont à la base de la création des royaumes et empires.

Qu’en est-il de la migration des Bantu formant actuellement la Rép.Dém. du Congo ?
Quand on parle des migrations des peuples il ne s’agit guère de raz-de- marée en tant que tel. Ils ont pu accéder à leur terroir actuel par trois voies différentes : la voie occidentale (qui est à la base du peuplement des régions actuelles du Bas-Congo et de Bandundu ; la voie centrale empruntée par les populations de l’Equateur et du Bandundu ; la voie orientale qui a drainé les flux migratoires vers le Katanga et le Kivu. Les historiens s’accordent à penser d’énormes concentrations de populations dans la vallée du Lualaba, dans le Nord du Katanga ont pu donné lieu à une autre dispersion en direction du Sud, de l’Est et de l’Ouest. Par ailleurs venus de Darfour et de Kordofan, des Soudanais essaimèrent dans le Nord-est du Congo, dans le Kibali-Ituri et l’Ubangi. Il s’ensuivit des brassages et des métissages avec les Bantu (Soudanais bantouisés : ngbandi, ngbaka, zande, Mangbetu…).

Partant des plateaux d’Ethiopie, des pasteurs nilotiques remontèrent la vallée du Nil et s’installèrent dans les régions des grands Lacs notamment dans le Kivu. Ils adoptèrent des langues bantu.


3. Aspects économiques et technologiques des mutations à l’échelle du continent
La sécurité des routes fut un facteur important de l’accroissement du volume des échanges commerciaux et de leur diversification. Pour rappel, les artères sahériens ont été les premiers liens avec l’extérieur. C’est le cas, du VIII° au XII°, de la route du Maroc au Soudan dite la route de 90 jours.
De Sidjimalsa, en passant par Teghassa, Walata, Tombouctou, la route des Garamantes reliait le Fezzan à Gao. Quant à la route de route de 40 jours, elle reliait l’Egypte au Darfour.
Dans le même ordre d’idées, les marchés jouaient un rôle crucial. Généralement, ils se tenaient tous les 3 ou 5 jours avec un système de roulement. Parallèlement, des marchés quotidiens à l’échelle régionale étaient organisés. Comme instruments de transactions : la monnaie, des baguettes de fer ou de cuivre, de la poudre d’or, des cauris. Par ailleurs, ces marchés reliaient savanes et forêts, l’ouest africain avec les marchés méditerranéens et orientaux. C’est ainsi que plusieurs métropoles du négoce international cosmopolite vont essaimer: Bida, Kano, Djenné, Mopti, entre autres.
En ce qui concerne les échanges interafricains, leur développement était dû au progrès des moyens de communication ; à l’extension du réseau commercial; à l’augmentation du volume d’échanges ainsi qu’à la diversification des produits.
En sus, la conquête arabe créa les conditions d’utilisation massive du chameau (par croisements et sélection). L’expansion musulmane contribua également à l’essor considérable de la navigation (liaison commerciale avec l’Afrique orientale, les pays de l’océan indien, de la Mer Rouge et de la Méditerranée). A noter aussi la construction des grands ports munis d’arsenaux au Maghreb, à l’exemple de Tunis, d’Oran, d’Arzila, d’Alger. Impulsion du trafic entre les différentes régions du monde. L’essor urbain fut une marque de ces échanges.
Des villes comme Kumbi (Ghana), Silla et Barisa sur le fleuve Sénégal, Kaw-Kaw sur le Niger, assuraient la jonction entre le monde musulman, d’une part, et les pays de la savane et de la forêt ouest-africaine, d’autre part. Il faut signaler dans cette foulée, la fondation des comptoirs sur la côte orientale de l’Afrique : Mogadiscio, Malindi, Mogadiscio,Mombassa, Kilwa, Sofala, et Kizimkazi à Zanzibar.

Les produits faisant l’objet d’échanges intenses, à cette époque, se repartissaient en quatre catégories : les matières premières; les produits de subsistance; les articles de luxe à usage social; les produits de consommation de luxe.
Pour ce qui est des matières premières, il s’agissait du fer, du lin, du coton, de la gomme et de l’indigo. Il faut signaler l’exportation du fer fabriqué dans l’empire du Ghana vers d’autres régions de l’Afrique occidentale. A noter également que de l’Afrique orientale, ce métal était exporté en Inde.
Quant aux produits de subsistance, ils occupèrent en volume la première place parmi les échanges interafricains.
Le blé du Maghreb était drainé vers le Soudan et le Sahara occidental. L’huile d’olive de cette région était vendue à la faveur des échanges dans toutes les directions. Les excédents des céréales de l’Egypte alimentaient les circuits vers la Lybie, la Nubie et le Cyrénaïque.
Le mil, le sorgho et le beurre de karité du Soudan étaient diffusés dans toutes les directions. Le poisson séché et fumé sur les côtes maritimes et les pays riverains du fleuve étaient destinés à l’intérieur du pays.Il faut y ajouter le trafic du sel (sel gemme et sel marin).
Parmi les articles de luxe à usage social, signalons les esclaves, les chameaux ansi que les chevaux. Dans la même catégorie : textiles, métaux précieux, perles, ivoire, artisanat (la ville de Taranka sur le Moyen-Sénégal était célèbre pour ses pagnes de coton fin, les Shakkiyyât).
Pour ce qui est de l’or, les régions ci-après en étaient les principaux producteurs :
Le Bambouk, le Galam et le Bure en Afrique de l’ouest; l’Afrique australe; la Nubie.
Le cuivre servait de monnaie, ou alors intervenait dans la fabrication d’objets d’arts et de produits de luxe. Il faisait l’objet d’un trafic important entre les zones productrices (Katanga, Aïr, Sahara occidental), les pays yoruba et l’Afrique septentrionale. Signalons également les perles et les pierres précieuses du Sud Maghreb ainsi que du Soudan.

La diffusion des techniques à l’échelle continentale a été mise en évidence.
Cinq branches principales d’activités ont connu d’importants progrès :
l’extraction minière, la métallurgie;et l’agriculture (diffusion des plantes ou des nouvelles espèces à la faveur des échanges qui ont été répandues en dehors de leur zone d’origine). A ce propos, certaines variétés de riz, d’origine asiatique, avaient gagné les oasis égyptiennes et le sud du Maroc. Le sorgho plante d’Afrique sub-saharienne se répandit en Egypte, en Cyrénaïque, en Syrie ainsi qu’en Europe du Sud. La culture de la banane et de la noix de cola participèrent de l’essor du commerce de l’Océan Indien.). L’artisanat au cours de cette période ne fut pas en reste ainsi que les techniques commerciales (large gamme des monnaies : e.a. le dinar d’or, les coquillages, les cauris, les barres de sel, les anneaux de cuivre); et les techniques de la guerre.

En guise de conclusion

Nier que l’Afrique ait été , au cours du premier millénaire de notre ère, un lieu d’échanges intenses marqués par des transferts techniques, des contacts entre cultures et religions ne pourrait être que le fruit de la troncation des faits, à des fins idéologiques .
Les échanges de techniques, le transfert de traits culturels et sociologiques, la diffusion des plantes ont marqué le premier millénaire de l’ère chrétienne et les siècles suivants.
L’expansion de l’Islam ainsi que du commerce ont stimulé la création des empires dans la région soudano-sahélienne sans en être le facteur exclusif. Les royaumes de Kongo et de Monomopata ont évolué en dehors de cette influence.
Les centres de négoce notamment sur la Mer Rouge et dans l’Océan Indien ont constitué des foyers d’acculturation éducative et religieuse. Cependant dans certaines zones, au Soudan et chez les Berbères, l’Islam est accepté sans l’arabisation.
En Nubie, le christianisme, en tant que religion monothéiste, facilite l’implantation de l’Islam.
L’islamisation emprunte des modalités différenciées même si elle fut favorisée par le commerce avec des régions lointaines. Les premiers agents de l’Islam furent, en effet, des marchants d’origine arabe, persane, et berbère, puis les convertis africains.

L’Afrique fut partie prenante des échanges au niveau du monde mais lui est tout aussi redevable de ses progrès, son destin s’est joué au contact d’autres peuples. Elle a occupé par ses produits et ses savoirs-faire une place de choix dans les échanges internationaux. Sur son sol ont éclos des royaumes et des empires dont celui du Mali et de Kongo sont parmi les plus glorieux.

Tous ces faits ne peuvent qu’inciter à la prudence quant à notre relecture du passé.
L’Afrique n’a été ni un continent isolé ni un espace de stagnation. Certaines créations sont de son génie et d’autres lui viennent de ses contacts avec d’autres peuples. Les religions étrangères se sont acclimatées plutôt que le contraire. Sur ce plan, la tolérance a été la règle ente les monothéisme et les animismes. Certains pays ont fait la synthèse des traditions judaïques, chrétiennes, animistes et musulmanes. Il convient d’y réfléchir lorsque l’on parle de culture africaine, laquelle est la synthèse de plusieurs héritages comme l’a montré Mazrui.
Dès lors, le contact avec l’Europe à partir du XV° siècle n’est pas à interpréter comme le début des relations de l’Afrique – supposée pure de toute influence-pure avec le monde extérieur.

jeudi 29 mars 2007

Conférence inaugurale


Extrait de l’introduction de la conférence inaugurale :

« J’adresse mes remerciements les plus vifs aux responsables du Cercle des Etudiants de l’ULB pour avoir pensé à ma modeste personne pour la conduite et l’animation de ce séminaire.Cet honneur qui me réjouit se traduit pour moi par une redoutable responsabilité , celle de synthétiser pour un public exigeant il va de soi et divers par sa composition une matière Complexe et nullement soluble dans des formules toutes faites.
Il m’appartient de relever le gant. C’est un pari certes qu’il m’échoit de relever et en même temps la tâche s’avère pour le moins exaltante.Je vous propose un exposé synthétique de l’histoire du continent africain articulée en six chapitres dont je rappelle les intitulés (…).
Tel quel le projet paraît ambitieux voire démesurée ,notamment au vu des contraintes liées au temps qui m’est imparti.
Il me paraissait essentiel de rappeler en effet que la préhistoire africaine constitue un domaine extrêmement riche et la plupart des recherches ont conclu à ce fait majeur que nous ne devons pas perdre de vue à savoir que l’homme a son berceau en Afrique.
Par ailleurs, le sol africain étant littéralement jonchée de vestiges préhistoriques selon le mot d’un historien célébre (J. Ki-Zerbo pour ne pas le citer), la poursuite de recherches portant sur cette période est riche de toutes les potentialités (fouilles de Sanga, Os d’Ishango). La prise de conscience des enjeux liés à ce type de chantier est loin pourtant de mobiliser les gouvernements. J’ose croire que les cadres que vous êtes pourraient contribuer suite à ce séminaire à la prise de conscience dont le monde politique africain a besoin pour agir efficacement dans ce domaine.
La préhistoire et les antiquité africaines ne pouvaient être absents de ce parcours.
L’Egypte pharaonique, la Nubie ne pouvaient être éludées. L’Egypte, la première civilisation humaine a pour cresuet l’Afrique, elle est partie intégrante de l’histoire du continent n’en déplaise à ceux qui ont voulu l’en détacher. Les plus recherchers les plus récentes et les plus crédibles nous permettront de prendre la mesure de l’apport égyptienne au complexe culturel Négro-africain. Il nous faudra aussi en toute rigueur faire le départ entre les faits établis et les fantasmes et autres récupérations parfois douteuses.
Tout au long de notre parcours nous mettrons l’accent sur les peuples, sur leurs structures socio-politiques, sur les mutations qui ont caractérisées les sociétés africaines, sur leurs créations culturelles, sur leurs réseaux d’échanges et les tranferts qui ont eu lieu sur le continent loin de toute idée de stagnation ».


Objectifs assignés au séminaire :

Tout en se référant au texte de présentation du séminaire, diffusé sur l’Internet par Le Cercle des Etudiants Africains de l’U.L.B., le Docteur Antoine Tshitungu Kongolo a insisté sur la nécessité pour chacun de se défaire d’une certaine vision manichéenne et simpliste, consistant notamment à opposer la légende rose des civilisateurs aux temps présents, marqués par la violence et la barbarie.

Il a dressé de manière succinte le bilan des avancées insignes dans le domaine de l’histoire africaine. C’est ainsi qu’il a pu mettre en lumière la part spécifique des historiens du continent comme Cheik Anta Diop, Théophile Obenga, Joseph Ki-Zerbo, Djibril Tamsir Niane et quelques autres. Il ressortira de ce parcours exemplaire toute l’importance qu’il sied d’accorder aux renouvellements des méthodes de recherche, lesquelles allient dans le meilleur des cas à l’interdisciplinarité la plus féconde et l’universalisme.

Pour le conférencier, le séminaire sur l’histoire africaine devrait déboucher a minima sur une prise de conscience indispensable, à savoir la prégnance des préjugés hérités de l’historiographie déformante et mutilatrice des colonisateurs omniscients.
En révelant la dynamique des échanges sur le continent du nord au sud, en faisant au passage un pied de nez aux morcellements factices entre Afrique blanche et Afrique noire. Il ne s’agit plus du reste de la décrire comme une poussière de tribus mais comme un continuum avec ses axes d’échanges, sa diversité et ses traits communs.

Au surplus, le séminaire devrait amener chacun à pouvoir combler à sa manière le besoin d’histoire qui nous taraude tous.
En somme, l’orateur a invité chaque auditeur à la relecture, loin des clichés scolaires qui nous collent tous à la peau de certains faits majeurs comme la traite négrière ou la Conférence de Berlin, à laquelle on alloue comme tâche principale le tracé des frontières.

Séance du 14 mars

La séance du 14 mars 2007 a porté respectivement sur la préhistoire africaine (ses spécifités et son legs) et sur L’Egypte ancienne et la Nubie.

Au cours de l'exposé de l’orateur, le Docteur Antoine Tshitungu s’est penché sur les trois âges de la préhistoire africaine pour en dégager les étapes et ses spécificités. Il en a esquissé le cadre chronologique et climatique en rappelant que les glaciations aux latitudes nordiques et celles des périodes inter-glaciaires ont scandé le pléolithique.

Le premier âge de la pierre et ses créateurs
Il s’est étalé sur plus d’un million d’années; c’est l’époque des Australanthropiens et des Archantropiens.
La civilisation des Australanthropiens
Le Proconsul (Proconsul Africanus) est l’intermédiaire le plus ancien et l’un des plus typiques entre les primates préhominiens et l’homme (25 millions d’années). Le Kenyapithecus Wickeri (12 millions d’années); l’Australopithecus Prometheus (usage du feu); le Zinjathrope, découvert à Olduvai (Tanzanie) par le Docteur L.S.B. Leakey (1.750.000 ans par la méthode de datation du potassium-argon et en 1963 des fossiles de l’Homo Habilis, à la première place dans la galérie de nos ancêtres, 1.500.000 années.
Sur les rives de l’Omo en Ethiopie, près du Soudan et du Kenya, on a trouvé des fossiles qui remontent à 3.700.000 ans.
Un gros australopithèque, végétarien et un petit hominien, omnivore, ont cohabité pendant 2.000.000 années.
En 1961, le Tchadanthropus Uxoris est découvert par Y. Coppens et sa femme au pied de la falaise d’Angamma dans le Nord du Tchad. Il constitue le maillon (crâne et fémur exhumés) manquant entre l’Australopithèque et le Pithécanthrope.

La civilisation des Archanthropes(750.000 ans)
Voici quelques spécimens d’Archantropes qui usent du langage articulé :
Phitécanthropus Mauritanicus de Ternifine en Algérie, Africanthropes d’Afrique centrale, en Asie (Pithécanthrope de Java, Sinanthrope de Pékin, en Europe (Homme de Mauer en Allemagne).
La plupart des savants considèrent que les hominiens africains ont inventé les premiers outils et les ont diffusé dans les autres continents.

Le deuxième âge de la pierre et ses créateurs
La civilisation des Paléanthropiens ou Néandertaliens et de l’homo sapiens (faber). En Tanzanie, à Eyasi; à Kidishi en Ethiopie; l’homo rhodesiensis, en Zambie à Broken Hill.

Le troisième âge de la pierre
La civilisation des Néanthropiens (Homo sapiens).
Spécimens : Homme de Grimaldi, près de Monaco (négroïdes) et aussi en Illyrie, au Piémont, en Suisse, dans les Balkans, en Indochine, dans le Yunnan(Chine) et en Malaisie! Extension pluricontinentale de l’aire d’occupation des négroïdes.
Concluant ce volet de son exposé, l’orateur a rappellé que le continent africain est le berceau de l’humanité. Que les vestiges préhistoriques ont encore beaucoup à nous apprendre et que le patrimoine légué par les premiers ancêtres de l’humanité est essentiel. Il conviendrait dès lors de financer localement des recherches archéologiques et d'y associer les archélogues aux études préalables à la réalisation des grands chantiers d’infrastructures de manière à préserver les vestiges du passé.

Ensuite il a énuméré les sources qui ont permis à l’élaboration de l’histoire de l’antiquité égyptienne étalée sur 3000 ans en continu.
Il a rappellé qu’après la conquête romaine les hiéroglyphes sont devenues illisibles pour les Egyptiens. C’est Champollion qui en déchiffrant la pierre de Rosette en 1822 donnera des nouvelles implusions à l’Egyptologie en permettant de comprendre les textes et en révélant au monde scientifique la complexité de l’écriture égyptienne.

L’orateur s’est ensuite penché sur la chronologie :
- L’Ancien Empire : de la 1ère à la 12ème dynastie ( -3500 à -2000).
Les deux premières dynasties établies à Memphis ont dû consolider les fondements socio-politiques et artistiques déjà existants. Les 3ème et 4ème dynasties se sont signalées par les grandes pyramides de Chéops, Képhren et Mykérinos.
- Le Moyen Empire : de la 12ème à la 18ème dynastie (-2000 à -1580)
Le restaurateur venu du sud sous le signe du Dieu Amen, c’est Aménhémat 1er qui refoule vers l’Asie les Khetos (Hykos) après avoir restauré l’ordre et en particulier les temples, les cultes et le Livre des morts. Dès la 13ème dynastie, les invasions reprennent de plus belle .
C’est le moment où le Joseph de la Bible est appelé par un de ces rois pour lui servir de ministre, ce qui accrut considérablement la colonie juive.
- Le Nouvel Empire ( -1580 à -1100)
- Aménophis 1er venu du sud rejette les envahisseurs s’établit à Thèbes : deux siècles de paix et de prospérité. Sous les Ramsès, essor prodigieux de la civilisation alliance entre Egyptiens et Nubiens contre les Achéens dits peuples de la mer (Aménophis IV et Tout-Ank Amon).
- De la 18ème à la 24ème dynasties, le royaume nubien de Koush intervient de plus en plus dans les affaires d’Egypte (imposition de la dynastie Saîte par les Assyriens).
- Conquête de l’Egypte et instauration de la 25ème dynastie dite éthiopienne.

KOUSH ET MEROE
Au sud de la première cataracte, la Nubie va devenir un arrière-pays d’exploitation pour l’Egypte avant d’imposer son dominium à toute la vallée et de succomber à son tour sous les coups des Asiatiques.
Dès les premières dynasties égyptiennes, la conquête par les armes est suivie d’une exploitation commerciale du Koush (peaux de léopards, encens, ébène, ivoire).
La langue méroïtique n’a pas encore été déchiffrée. Sa connaissance donnerait de ces événements une version différente de celle des Egyptiens et sans doute complémentaire.
Au surplus, la Nubie constitue l’avant-poste vers des pays situés encore plus au Sud : Pount (Somalie ou Kenya ou le Soudan central ).
Coupure entre Egypte et Koush, entre -660 à 350, le royaume de Napata va connaître une évolution assez isolée, la capitale fut transportée de Napata à Méroë.
Suivra la périodes des reines; les Candaces qui opposent une résistance aux invasions étrangères.

Le Docteur Tshitungu a développé avec force détails les caractéristiques de la société égyptienne du point de vue socio-politique : caractère hiérarchique très strict de la société.
Au sommet de la pyramide sociale, le Pharaon qui participe de la divinité.
La femme était beaucoup plus libre que dans de nombreux pays modernes : place éminente des mères du roi, dévolution des biens fonciers par les femmes, existence d’un clergé féminin et identification des gens par référence à leur mère.

Il a par ailleurs souligné que l’administration de l’Egypte est issue de la nécessité de contrôler un peuple très dense de paysans. Elle est très spécialisée et hiérarchisée.
La cheville ouvrière de tout cet appareil, c’est le scribe (percepteur et comptable), omniprésent.
Le patron de scribes, c’est le Dieu Thot. Clé de voûte du corps de scribes et fonctionnaires, c’est le vizir (Tjaty), sorte de premier ministre.

Il a décrit avec force exemples ce que l’Egypte nous a légué dans les sciences , l’Art (architecture, sculpture, gravure, peinture) et la religion.


EGYPTE NEGRE : positionnements et arguments en présence

Le Docteur A. Tshitungu Kongolo a exposé en détail la thèse de Cheik Anta Diop relative aux racines égyptiennes de la culture nègre telles qu’il l’a exposée dans ses ouvrages et notamment dans « Nations nègres et cultures » (Paris, Présence Africaine, 1979, 1ère édition, 1954). Par la suite, il s’emploie à confronter les arguments de l’illustre sénégalais à ceux de ses pairs et les confronter point par point aux critiques de ses pairs historiens, qu’ils soient Africains, Européens ou autres.

Voici les traits culturels mis en avant par le savant sénégalais afin d’asseoir son argumentation :
- Totémisme ( Op.Cit., pp204-206)
- Circoncision : d’après Cheikh Anta Diop, ce sont les Egyptiens qui ont transmis cette pratique aux Juifs et aux Arabes.(cfr « Nations nègres et culture », Op.Cit., pp206-209) ;
- Royauté : l’illustre historien met en exergue une pratique commune à l’Egypte antique et à l’Afrique Noire : la mise à mort rituelle du roi.(p 209 et sq.)
- Cosmogonie : il relève à la fois des ressemblances et une complémentarité des cosmogonies égyptienne, d’une part, et nègre, d’autre part (p211 et sq.);
- Organisation sociale : cfr p214
- Matriarcat : p214 et sq. Il souligne la vivacité du matriarcat en Afrique ;
- Parenté de l’égyptien et des langues nègres : p231 et sq.


Les réactions de ses pairs méritent d’être relevés et verser au dossier de ce débat passionnant : Joseph Ki-Zerbo : « Est-ce à dire pour autant que tous les Egyptiens, du début à la fin de l’antiquité aient été des Noirs ? Evidemment non. Bien que le type grec soit pratiquement inexistant, de nombreuses effigies montrent aussi des types de pharaons ou de simples mortels qui n’ont rien de négroïde. » (Histoire générale de l’Afrique, Hatier, p 80)

« (En conclusion,) il nous semble donc que les Noirs ont dû constituer la majorité de la population dans l’antique vallée du Nil, au moins dans les premiers temps protohistoriques et historiques et dans les zones méridionales. Ils ont joué un rôle de premier décisif dans l’établissement de la civilisation égyptienne. Et nombre de grands hommes de l’histoire égyptienne étaient des Noirs. » (p81)
« Néanmoins des parentés culturelles puissantes ont subsisté entre les deux zones de dispersion des peuples depuis le Sahara, et cela, non pas comme on l’a dit parce que les Noirs sub-sahariens actuels sont venus d’Egypte (simple hypothèse). Mais parce que, d’une part, leurs lointains ancêtres ont partagé la même expérience historique que les Egyptiens dans les vertes prairies du Sahara néolithique, faisant alors partie de la ême aire culturelle avant la diaspora des 4° et 3° millénaires.» (p82)

Par ailleurs, au cours du colloque sur « Le peuplement de l’Egypte ancienne et le déchiffrement de l’écriture méroïtique », le Caire du 28 janvier au 3 février 1974, un débat nourri entre Cheikh Anta Diop et un certain nombre de ses pairs aura permis de dégager les lignes de fractures entre les chercheurs. A titre d’illustration, certains arguments méritent d’être évoqués comme contribution au débat :
Le professeur Leclant insiste sur le caractère africain de la civilisation égyptienne , mais il met l’accent sur la nécessité de distinguer « race » et « culture ».
Pour le professeur Abdelgadir M. Abdalla, « il importe peu de savoir si les Egyptiens anciens étaient noirs ou « négroïdes; l’important est le degré de civilisation auquel ils sont parvenus » (p.801).

Par ailleurs, le rapport souligne que « les preuves fournies de parenté plaident bien plus en faveur de la dispersion de l’égypte ancien en Afrique que de sa parenté avec les langues africaines actuelles. Pourquoi n’y aurait-il de parenté qu’entre l’égyptien ancien et le wolof et pas entre l’égyptien ancien et le méroîtique par exemple? Or la langue de napata et l’égyptien sont aux antipodes l’un de l’autre.» (p802)

Pour le professeur Théophile Obenga : «les rencontres morphologiques, lexicologiques et syntaxiques obtenues constituent une preuve péremptoire de la parenté étroite de l’égyptien ancien et des langues négro-africaines d’aujourd’hui.» (p 803)

Parmi les recherches récentes, il convient de signaler, sans nulle souci d’exhaustivité, l’important travail de Babacar SALL, « Racines éthiopiennes de l’Egypte ancienne »[1].

Ce dernier ouvre de perspectives sur les relations entre l’Egypte et la Nubie (l’Ethiopie des Anciens).
« Il y a aussi loin que l’on remonte le temps , l’Afrique apparaît comme une terre de migrations et l’Egypte comme un finistère à l’angle Nord-est du continent pour HERODOTE, l’Egypte est aux confins de la Lybie (Afrique) et de l’Asie(II,17). Cette position faisant de l’Egypte un creuset. Aussi Memphis ne pouvait pas ne pas devenir au cours du temps une ville grande et populeuse, avec plusieurs races d’hommes (STRABON, XVII,1,24).
"C’est par ce fil que nous cherchons à cerner les apports extérieurs même si pour l’essentiel, la civilisation ne se comprend qu’en relation avec l’ambiance de la basse vallée du Nil et du fleuve lui-même.» (Op.Cit.,p19)

Le Docteur A. Tshitungu Kongolo a rappelé que la thèse de la parenté entre l’Egypte antique et l’Afrique Noire avait séduit un certain nombre d’intellectuels noirs, et ce, dans la période de l’entre-deux-guerres, qui militaient en faveur de l’autonomie politique de l’Afrique et contre le racisme colonial et ses avatars. L’on en retrouve des traces dans leurs écrits ainsi que leurs prises positions. Le Congolais Paul Panda Farnana en est un exemple
Et ses propos au sujet de l’Egypte méritent mention :
"L’art nègre a toujours exercé et exerce une influence sur l’esthétique moderne, notamment dans la littérature (Dumas, Maran, etc.) dans la peinture et la sculpture.

Je dis, toujours exercé, parce que les études d’Elysée Reclus le prouvent; il suffit de consulter "La géographie universelle", où il affirme ceci:"Il est certain que la civilisation est bien d’origine africaine".
Des maquettes et des peintures que M. le professeur Capart commente et explique si clairement montrent des vassaux sous des pharaons ayant des traits soudanais et congolais". (Extrait de la réponse de Paul Panda à une enquête de La Renaissance d’Occident, n°1 janvier 1930, numéro spécial sur le Congo).

De nombreuses questions ont été posées par les participants au sujet du caractère nègre de l’Egypte ancienne. L’orateur s’est efforcé de répondre avec calme et méthode en dépit de la tendance de certains participants à mettre en avant leur subjectivité.
Il est au moins acquis que le caractère audacieux des thèses de Cheikh Anta Diop constitue un moment important de l’Egyptologie. L’Egyptologie elle-même est le fruit d’efforts multiples et l’on ne peut ignorer ou minorer l’apport d’un Champollion.
Le rejet systématique de toute hypothèse nuançant ou contredisant Cheikh Anta Diop au nom du prétendu racisme des chercheurs « leucotermes » n’aide pas le débat. Certains disciples proclamés de Cheikh Anta Diop n’ont pas la rigueur ni la modestie du maître et tendent à faire de ce dernier des lectures sommaires conformes à leur propores désirs. Par ailleurs, l’on ne peut préjuger d’avance des avancées en matière d’archéologie notamment. Le patrimoine que l’Egypte a légué à l’humanité est en lui même d’une richesse incommensurable.



[1] Préface de Théophile Obenga, L’Harmattan/Khepesa, 452 p. (Thèse dirigée par C.A. Diop lui-même).

lundi 26 mars 2007

Biographie

Romancier, poète, nouvelliste et essayiste, Docteur ès Lettres de l'Université de Lille III, Antoine Tshitungu Kongolo, titulaire de plusieurs prix littéraires internationaux témoigne par ses nombreux chantiers d'écriture de la volonté de renouvellement de l'engagement de l'écrivain au service des communautés souffrantes. De même oeuvre-t-il à une relecture de l'histoire et singulièrement celle de l'Afrique centrale à l'aune d'une exigence de rigueur susceptible de contrer les stéréotypes d'antan aussi bien que les mirages d'authenticités biaisées. Sa poésie s'inscrit tout simplement au coeur de la modernité et de l'universalité. Ancien chercheur aux Archives et Musée de la Littérature et à la Cellule littéraire du Ministère de la Communauté Française de Belgique, Antoine Tshitungu Kongolo est bibliothécaire à Bruxelles. Il est par ailleurs chercheur à l'Université Charles de Gaulle de Lille3.

Informations pratiques

Plan du Séminaire
Conférence 1 (7 mars 2007)
Introduction générale
Chapitre I Problèmes et méthodes
Conférence 2 (14 mars 2007)
Chapitre II La Préhistoire
Chapitre III L'Egypte ancienne et la Nubie
Conférence 3 (21 mars 2007)
Chapitre IV L'Afrique du Xè au XIVè siècle
Conférence 4 (28 mars 2007)
Chapitre V Du XVè au XIXè siècle
Conférence 5 (18 avril 2007)
Chapitre VI De la colonisation aux indépendances
Conférence 6 (25 avril 2007)
Chapitre VII Les problèmes de l'Afrique post-coloniale et contemporaine
Conclusions
***
Conférencier et responsable en charge du séminaire :
Antoine Tshitungu Kongolo
Docteur ès Lettres
Lieu : Campus Solbosch, Salle UB5.230
Les mercredis de 18 à 20 heures
***
Soyez les bienvenu(e)s pour réécouter la chronique hebdomadaire du Professeur Antoine Tshitungu sur l'émission de radio Africana,
Radio Campus,
tous les jeudis entre 19h30 et 21h30, 107.2FM

Histoire et mémoire africaines

Histoire et mémoire africaine à l'heure de la mondialisation:

Enjeux et repères

L'écriture de l'histoire africaine soulève toute une série de questions qu'on ne saurait occulter. Parmi ces dernières, celle de savoir si la lecture que les peuples d'Afrique ont du passé de leur continent leur donne des balises suffisamment pertinentes pour leur permettre de capitaliser les expériences d'hier et prendre en charge leur destin, aujourd'hui et demain. Tout aussi cruciale l'émergence d'une mémoire débarrassée de tares du discours colonial et s'inscrivant dans une véritable prospective car on ne peut se développer avec la mémoire d'autrui.

Le passé est une somme d'expériences comportant d'innombrables leçons pour l'avenir. Prétendre que l'Afrique fut une table rase au plan politique, scientifique, technique a imprégné bien des discours d'antan conforme à la vulgate coloniale avec sa propension à la minorisation tendant à assimiler le riche passé africain à une succession des siècles obscurs.

Ces positionnements d'antan redevables davantage à l'idéologie qu'à la rigueur des faits aura porté les Africains à des mimétismes stériles qui n'ont fait qu'accroître leur dépendance.

De 1960 à nos jours, les recherches en histoire africaine ont véritablement révélé des « terrae incognitae », éclairés des pas obscurs et contribué à restituer son visage à un continent au passé défiguré.
Au cours de notre séminaire l'histoire africaine sera abordée à la fois dans sa globalité et sa complexité; l'accent sera mis à la fois sur ses dynamiques internes et externes. Nous mettrons l'accent sur la diffusion des techniques, l'organisation sociale et économique, sur les traits culturels des peuples. Nous n'occulterons pas les problèmes spécifiques ainsi que les difficultés bien réelles que pose l'écriture de cette histoire et notamment en termes de sources et de méthodologie. Nous dégagerons à la lumière des plus récentes études la continuité historique depuis l"Egypte ancienne" à nos jours. Nous mettrons en lumière l'importance de la tradition orale comme source de l'histoire.

Le terme mondialisation n'apparaît pas dans notre propos par hasard : D'aucuns ont prétendu que l'Afrique en raison de "son passé" avait du mal à s'intégrer dans les réseaux d'échanges qui restructurent notre monde d'aujourd'hui, que sa culture est celle "de la stagnation" voire du rejet de l'autre.

Et pourtant l'histoire nous apprend la densité des réseaux d'échanges au cours des siècles écoulés comme la capacité des peuples à réaliser des symbioses remarquables .L'ancienneté des structures étatiques est tout aussi incontestable.

Les objectifs du Séminaire sont les suivants:

  • Pallier les carences voire l'absence dans le cursus universitaire de cours et formation accessibles à tous portant sur l'histoire de l'Afrique;
  • Doter les participants de balises nécessaires à la compréhension du parcours spécifique des peuples africains depuis la préhistoire jusqu'à ce jour;
  • Mettre en valeur bien des faits occultés : en effet si on admet que l'Afrique est le berceau de l'humanité , il faut admettre aussi qu'elle a vu naître la première grande civilisation , celle de l'Egypte ancienne dont les racines africaines ne peuvent plus être niées grâce à des travaux historiques majeurs réalisés au cours des dernières décennies et notamment par des historiens africains( e.a. Cheik Anta Diop et Théophile Obenga);
  • Mettre en exergue à la fois la globalité et la complexité de l'histoire du continent africain;
  • Donner à lire et à voir une historiographie qui met l'accent sur les facteurs de changements ainsi que les grandes mutations qu'ils engendrent;
  • Esquisser la problématique des sources et dégager l'importance de l'archéologie et de la tradition orale;
  • Balayer certains préjugés tenaces qui attribuent tous la plupart des changements à des interventions extérieures au continent (les ruines du Zimbabwe démentent de tels a priori);
  • Montrer les conséquences à long terme de certains faits majeurs comme la traite négrière à la lumière notamment des plus récentes recherches ;
  • Faire une relecture de la colonisation dans sa portée économique , socioculturelle et politique et montrer les formes de résistances africaines;
  • Proposer une synthèse des problèmes de l'Afrique postcoloniale face notamment à la problématique de la mondialisation.

Notre séminaire contribuera donc à relecture de l'histoire africaine à même d'être utile aux cadres et aux futurs cadres , et à toute personne qui s'intéresse peu ou prou à l'Afrique. Il s'efforcera de leur permettre de bâtir une mémoire africaine débarrassée des erreurs grossières et des clichés, à prendre en compte certaines spécificités africaines de manière à ce que ce continent puisse se comporter en partenaire, à part entière, et non plus entièrement à part, d'autres habitants de la planète, et de les enrichir de ses valeurs spécifiques. Cela à l'heure où la mondialisation signifie pour certains l'imposition des dogmes économiques, politiques , juridiques et culturelles dont la transplantation n'est pas sans poser des problèmes.