lundi 30 avril 2007

Séminaire du 28 mars

L’Afrique des royaumes et des empires
Du 7ème au 14ème siècle



Au cours de sa troisième conférence, le Docteur Antoine Tshitungu Kongolo s’et penché sur la période qui court de l’invasion arabe au VII° siècle jusqu’aux « voyages de découvertes » du XV° siècle. En guise de rappel, il a évoqué des faits majeurs qui ont marqué la destinée des peuples africains entre le début du déclin de l’Egypte pharaonique, conquise par les Grecs en 332 avant Jésus-Christ, et les voyages de découvertes, préfiguration en quelque sorte de la traite négrière. Il a admis que ces découpages chronologiques comportent une part d’arbitraire mais visent à procurer des repères.

Il a récusé d’entrée de jeu, l’expression de « siècles obscurs » dont on a coiffé volontiers cette période (du 7ème au 14ème siècle), à tort, selon lui.
L’Afrique connaît des mutations décisives marquées notamment par l’hégémonie de la Grèce et de Rome sur l’Egypte et la Nubie, les invasions arabes à partir du VII° siècle, la geste des Almoravides, les migrations des populations vers le sud en raison des changements climatiques dans le Sahara.

La donne africaine sera profondément modifiée par le processus d’islamisation de l’Egypte, de l’Ouest et de l’Est africain. Des populations islamisées de Shiraz (Perse) s’installent également dans les îles et sur le littoral de l’Est. La Nubie chrétienne va jouer un rôle important et son héritage culturelle sera relayé par Axoum, préfiguration de l’Ethiopie, longtemps symbole de l’indépendance africaine notamment pour avoir vaincu et tenu en échec les veilléités d’expansion coloniale des Italiens à Adoua, en 1896, sous Ménélik II.

Tout aussi marquant est la migration des proto-bantu vers les régions de l’Afrique centrale et australe.Ces derniers vont diffuser la technologie du fer dont la maîtrise permet la création des vastes ensembles politiques en l’occurrence, les royaumes et les empires. Parmi ces derniers, la primogéniture revient au royaume de Ghana.

L’Afrique voit se développer des échanges tant sur son sol qu’avec l’Asie, l’Europe, la Chine et même la Malaisie qui lui apportera d’ailleurs la banane.Introduite via la côte est ; elle constitue une révolution car elle fournit : nourriture, boisson, et logement grâce aux fibres.

Le conférencier s’est plu par ailleurs à brosser les facteurs de mutations à l’échelle du continent .Les échanges interafricains ont pu prndre appui sur les progrès des moyens de communication ; l’extension du réseau commercial; l’augmentation des volumes d’échanges.
La conquête arabe créa les conditions d’utilisation massive du chameau.L’expansion musulmane a également donné un effort considérable à la navigation (liaison commerciale entre l’Afrique orientale, les pays de l’océan indien , de la mer Rouge et de la méditerranée). A noter aussi la construction des grands ports munis d’arsenaux au Maghreb, à l’exemple de Tunis, d’Oran, d’Arzila, d’Alger.Implosion du trafic entre les différentes régions du monde ainsi que l’essor urbain sont des marques de ces échanges.
Des villes comme Kumbi (Ghana), Sillä et Barisä sur le fleuve Sénégal, Käw-Käw sur le Niger assuraient la jonction entre le monde musulman et le pays de la savane et de la forêt ouest-africaines. C’est dans cette foulée que sont fondés des comptoirs sur la côte orientale de l’Afrique : Mogadiscio, Malindi, Mombassa, Kilwa, Sofala, Kizimkazi à Zanzibar.



L’orateur a subdivisé son propos en quatre volets :

1. Meroë et Axoum ;
2. Les empires de l’Ouest africain ;
3. En Afrique centrale ;
4. Les aspects économiques et technologiques des changements à l’échelle africaine.

Quels sont les traits marquants de cette période ?

La mainmise de l’islam sur des vastes zones ; l’expansion des échanges et des relations commerciales, la constitution des royaumes et empires.
Il convient de souligner avant le VII° siècle, la christianisation de l’Egypte et de la Nubie, la conquête de l’Egypte par les Musulmans, le déclin de la Nubie qui passe en quelque sorte le flambeau à Axoum, préfiguration de l’Ethiopie. Après le VII° siècle, l’islamisation de l’Afrique du Nord et du Soudan ainsi que la migration des Bantou sont des phénomènes majeurs. Les échanges avec le Golfe Persique, l’Inde et l’Asie sont tout aussi importants.
Les transferts de technologie comme les échanges avec le monde extérieur montrent ques dès le premier millénaire, dans la période qui suit l’occupation romaine de l’Egypte et de la Nubie, l’Afrique est loin d’être un continent isolé et replié sur lui-même. Sa contribution au commerce mondial en atteste par son ampleur. Les apports de l’extérieur comme l’introduction de la banane venue de Malaisie vont également marquer cette époque.
S’agissant de la technique du fer, elle a été diffusée par les Bantous à partir de l’Ouest beaucoup plutôt qu’on ne le pensait. Du reste, la plupart des royaumes et empires ont pour fondateur mythique un roi-forgeron (e.a. le royaume de Kongo). Il convient aussi de souligner certaines mutations découlant du contact avec les voyageurs portugais au XV° siècle.
En somme, toute une série d’évolutions comparables se dessinent dans l’ensemble du continent.Des mutations économiques et des culturelles se préparent annonçant l’âge d’or des royaumes et des empires (Ghana, Mali, Kongo etc.).
La diffusion de la technique du fer sédentarise davantage des populations, permet des surplus, et accroît les échanges et participe de la complexité des pouvoirs.


1. Meroë et Axoum

Déboutés d’Egypte par les Assyriens les rois de Nubie installèrent leur capitale à Napata vers 650 BC.L’Egypte reprend sous la XXVI° dynastie sa politique d’expansion vers la nubie (destruction de Napata en 591 BC par le Pharaon Psammétique II). Il s’ensuivit le transfert de la capitale à Meroë. Advint la période romaine. Le royaume se délita. L’histoire a retenu la résistance des reines nubiennes les Candaces face aux Romains.La Christianisation s’opéra à partir de l’Egypte et de l’Eglise monophysiste copte.
La progression de l’Islam se heurta à l’existence d’Etats chrétiens et à l’attachement des populations à leur foi chrétienne. Après plusieurs tentatives infructueuses de conquête les Arabes concluent avec les Nubiens un traité, le bakt qui assura l’indépendance de la Nubie. Le glas du christianisme en Nubie va sonner avec l’avènement d’un roi converti à l’Islam en 1315.
On assiste à l’expansion d’Axoum sur les deux rives de la Méditerranée. La population est d’origine yéménite dont un clan, les Habashat, va donner le nom d’Abyssinie. Royaume maritime et commercial qui se christianise sous l’influence de la Nubie sous le règne d’Ezana. Axoum connaît l’apogée à l’époque de Kaled au VI° siècle AD. Mais il perdra le contrôle de l’Arabie du Sud.
L’expansion musulmane à partir du VII° siècle AD entraîne la perte de l’Arabie ainsi que la coupure avec le monde byzantin.
Axoum est le noyau de l’Ethiopie chrétienne dont le Kebra Nagast propose la chronologie des rois en postulant des origines salmoniennes et chrétiennes.

2. L’Afrique de l’Ouest
2.1 Le Ghana
La version selon laquelle ce royaume dont la capitale était Koumbi Saleh aurait été dirigé d’abord par une dynastie blanche de 44 princes avant 750 est contesté. Le mot Sarakhollé fait allusion aux métissages avec les Berbères ou sémites sahariens. C’est avec un roi de race noire que le royaume s’imposa formant un véritable empire, du Tagant au Haut-niger, du Sénégal à Tombouctou. Le Kaya Maghan règne sur plusieurs royaumes : le Tékrour, le Sosso, les principautés berbères de Walata et de Awdaghost.
L’organisation politique assurait la prospérité et la sécurité du Ghana. Le Grand Conseil du roi comprenait : des hauts dignitaires, (dont des affranchis et des musulmans), les fils des rois vaincus. Le roi avait charge de rendre la justice. Il est à noter que la succession était matrilinéaire. L’empereur était animiste ainsi que l’ensemble de ses sujets, la bienveillance à l 'égard des Musulmans était de règle.
Vie économique : outre l’agriculture et l’élevage, l’exploitation de l’or du Galam, de Bambouk, de Bouré assure la propspérité du royaume. S’y ajoutent l’ ivoire, la gomme et les esclaves.
Le royaume sera affaibli par les Almoravides. Koumbi fut prise et saccagée malgré une armée de 200.000 hommes dont 40.000 archers. Ghana recouvrit son indépendance mais les forces centrifuges s’accentuèrent : migrations de Sérèer et Wolof vers le Sud. Gao et Tombouctou prirent de l’essor. Ghana passa dans la mouvance de Sosso puis du Mali.

2.2. Le Mali
Les faits relatifs à Soundjata ont été narrés par les griots. Il ressort de leurs récits que Naré Famaghan, le père de Soundjata, a plusieurs épouses dont Sogolon Kanté. Cette dernière est la mère de Soundjata ou Mari Djata.
Soumaoro, roi de Sosso, conquiert le Manding et fait périr les princes. D’aucuns s’adressent à Mari Djata, l’enfant infirme, en ces termes :
« Donnez-lui donc le sceptre de son père pour qu’il se redresse en s’appuyant dessus
Suite aux exactions de Soumaoro, Soundjata tente de réunir une armée pour tenter de mettre fin à l’hégémonie du roi de Sosso. La bataille de Kirina , entre Bamako et Kangaba, sur la rive gauche du fleuve Niger va sceller la victoire de Soundjata qui s’empara d’abord de Sosso et de ses dépendances : le Baghana, le Nord du Bélédougou, le Ouagadou, le Bakourou, et la cité de Koumbi.
Il lui fut conféré le titre de Mansa par les chefs rassempblés à Kourou-Kan-Fougha. La capitale fut transférée à Niani. Annexion de la deuxième grande région de l’or du Soudan, le Bambouk et aussi le Bondou, le Bas-Sénégal, la Basse-Gambie et les provinces extrêmes occidentales de l’ancien Ghana.
Mort en 1255, Soundjata aurait développé la culture du coton, de l’arachide et des papayes ainsi que l’élevage. Il mit sur pied une imposante armée des fantassins et une cavalerie.
Les successeurs :
Mansa Oulé (1255-1270) : effectua le pèlerinage à la Mecque. Sous son règne la tendance à la décentralisation de l’empire s’accentue. A travers notamment, l’installation des grands généraux comme feudataires.
Après la mort d’Aboubakar 1er (1285), des difficultés de succession débouchèrent sur l’avènement de Sakoura, esclave affranchi de la famille royale et homme de guerre. Il annexa le Macina aux dépens du roi de Gao et Tékrour aux dépens du Dyara qui devint son vassal. Les caravanes du Maghreb et de Tripoli affluèrent vers le Mali. Sakoura fut assassiné au retour d’un pèlerinage.
Aboubakar II, neveu de Soundjata, devint roi en 1303. Il aura marqué à sa façon le cours de l’histoire par deux tentatives d’exploration de l’Océan atlantique qui s’achevèrent par un désastre.
Kankan Mousa (1312-1332)
En 1324, il fit le pèlerinage à la Mecque dont il ramena le poète architecte Abou Issak dit Es Saheli, originaire de Grenade. Relança l’expansion de l’Islam et fit construire à Tombouctou la grande mosquée de Djinger –ber ainsi qu’ une magnifique résidence.
Il dépêcha des ambassadeurs près les sultans du Maghreb et du Caire.
L’étendue de l’empire du Mali sous son règne : du Sud-saharien (populations berbères) jusqu’à la forêt guinéenne, de l’Atlantique au pays Haoussa.
Maghan : (1332-1336)
Sous son règne eut lieu le sac de Tombouctou par les Mossi. Le chef des Touareg de Takedda (Aïr) reconnut la suzeraineté du Mali.
Qu’en est-il de la religion ? L’Islam imprégné de grande tolérance (polygamie, consommation des viandes considérées comme impures, pratiques fétichistes) s’adonnait à l’enseignement du Coran, prônait l’observance du ramadan et de la Tabaski. Commerçants Sarakhollé et Dioula furent les vecteurs d’expansion de la religion musulmane. Les marabouts formaient une noblesse du turban, à côté de la noblesse des hommes libres.
L’organisation politique se caractérise par une décentralisation très large :
Les provinces étaient administrées localement par un Dyamani Tigui ou Farba. Elles étaient subdivisées en cantons ou Kafo et en villages ou Dougou.
L’autorité villageoise est bicéphale : un chef de terres religieux; un chef politique. Idem pour certains territoires éloignés. Les royaumes annexés gardent à leur tête leurs chefs traditionnels; le Farba du roi y tient le rôle de ministre-résident. Au surplus, le respect de coutumes locales est de strict observance.
Les royaumes subordonnés constituaient la zone périphérique. Ils n’étaient pas organiquement liés au centre mais reconnaissaient l’hégémonie de l’empereur.
Les revenus de l’empire étaient constitués de dîmes sur les récoltes et le bétail; la réquisition de pépites d’or; les taxes douanières, le butin de guerre ainsi que le commerce transsaharien.


2.3. Les royaumes Yoruba et le Bénin
Au Sud-est du Nigeria chez les Ibo, la communauté favorisait l’initiative individuelle. L’unité socio-politique est le village, on note la pratique de l’exogamie et l’importance des marchés.
Au Sud-ouest : des principautés Yoruba qui seraient venues du Haut-Nil par vagues successives entre le VI° et le XI° siècle érigèrent des principautés qui formaient une sorte de fédération. Au sein de celle-ci, Ilé Ifé constituait en tant que le lieu de dispersion local, la source de légitimité du pouvoir. Y revenaient la dépouille de tous les rois et leurs insignes à l’exemple des villes saintes de la Thébaïde pour les Pharaons et Gambada pour les Mossi.
Dans la pricipauté d’Oyo, l’Alafing (le roi assisté par les Oyo-Mesi, conseil de 7 membres) règnait pour une durée limitée à 14 ans. Le roi pouvait être sanctionné, on lui faisait porter une calebasse vide et des œufs de perroquet pour le sanctionner en cas de faute gravissime.
Au niveau de la cité, le Balé assumait le pouvoir, son élection devait être enterinée par l’Alafing d’Oyo. Il était flanqué par ailleurs d’un collège de notables.

Le Benin est lié à Ife, sa fondation remonte au XII° siècle et son apogée au XV°. Ewaré le grand médecin et soldat fut intronisé vers 1440. L’Oba était un monarque absolu et justicier suprême.

2.4. En Afrique Centrale
Globalement, c’est la poursuite de la vie néolithique de cueillette, de chasse et de rudiments d’agriculture.
On assiste au passage rapide voire direct entre les cultures de la pierre et celle du fer sans les transitions de l’âge du bronze et du cuivre comme en Europe et en Asie.
Il en résulte des collectivités plus vastes, des organisations plus complexes et plus hiérarchisées.
En ce qui concerne le transfert des techniques métallurgiques, dans l’état actuel des recherches, il est établi que trois relais ont joué un rôle de manière concomittante ou séparée :
Meroë sur le Nil à travers le Soudan vers l’Afrique Centrale; les contacts transsahariens entre la côte méditerranéenne, l’Afrique occidentale, le Soudan et le Congo; l’Océan Indien où les Indo-Malais auraient été les initiateurs des peuples côtiers.
Il convient toutefois de relever par exemple qu’entre le 3ème et le 5ème siècle, la civilisation de Nok , dans le Nigeria actuel avait connaissance de la métallurgie du fer. On ne pourrait nier, par ailleurs, la réalité des innovations locales. En effet, dès le 1er siècle de notre ère des populations du Congo manifestèrent leur connnaissance de la technologie du fer. On peut citer à la rescousse les exemples de Luozi dans le Bas-Congo et du Katanga.
Au total, les migrations et la technique de métallurgie du fer sont à la base de la création des royaumes et empires.

Qu’en est-il de la migration des Bantu formant actuellement la Rép.Dém. du Congo ?
Quand on parle des migrations des peuples il ne s’agit guère de raz-de- marée en tant que tel. Ils ont pu accéder à leur terroir actuel par trois voies différentes : la voie occidentale (qui est à la base du peuplement des régions actuelles du Bas-Congo et de Bandundu ; la voie centrale empruntée par les populations de l’Equateur et du Bandundu ; la voie orientale qui a drainé les flux migratoires vers le Katanga et le Kivu. Les historiens s’accordent à penser d’énormes concentrations de populations dans la vallée du Lualaba, dans le Nord du Katanga ont pu donné lieu à une autre dispersion en direction du Sud, de l’Est et de l’Ouest. Par ailleurs venus de Darfour et de Kordofan, des Soudanais essaimèrent dans le Nord-est du Congo, dans le Kibali-Ituri et l’Ubangi. Il s’ensuivit des brassages et des métissages avec les Bantu (Soudanais bantouisés : ngbandi, ngbaka, zande, Mangbetu…).

Partant des plateaux d’Ethiopie, des pasteurs nilotiques remontèrent la vallée du Nil et s’installèrent dans les régions des grands Lacs notamment dans le Kivu. Ils adoptèrent des langues bantu.


3. Aspects économiques et technologiques des mutations à l’échelle du continent
La sécurité des routes fut un facteur important de l’accroissement du volume des échanges commerciaux et de leur diversification. Pour rappel, les artères sahériens ont été les premiers liens avec l’extérieur. C’est le cas, du VIII° au XII°, de la route du Maroc au Soudan dite la route de 90 jours.
De Sidjimalsa, en passant par Teghassa, Walata, Tombouctou, la route des Garamantes reliait le Fezzan à Gao. Quant à la route de route de 40 jours, elle reliait l’Egypte au Darfour.
Dans le même ordre d’idées, les marchés jouaient un rôle crucial. Généralement, ils se tenaient tous les 3 ou 5 jours avec un système de roulement. Parallèlement, des marchés quotidiens à l’échelle régionale étaient organisés. Comme instruments de transactions : la monnaie, des baguettes de fer ou de cuivre, de la poudre d’or, des cauris. Par ailleurs, ces marchés reliaient savanes et forêts, l’ouest africain avec les marchés méditerranéens et orientaux. C’est ainsi que plusieurs métropoles du négoce international cosmopolite vont essaimer: Bida, Kano, Djenné, Mopti, entre autres.
En ce qui concerne les échanges interafricains, leur développement était dû au progrès des moyens de communication ; à l’extension du réseau commercial; à l’augmentation du volume d’échanges ainsi qu’à la diversification des produits.
En sus, la conquête arabe créa les conditions d’utilisation massive du chameau (par croisements et sélection). L’expansion musulmane contribua également à l’essor considérable de la navigation (liaison commerciale avec l’Afrique orientale, les pays de l’océan indien, de la Mer Rouge et de la Méditerranée). A noter aussi la construction des grands ports munis d’arsenaux au Maghreb, à l’exemple de Tunis, d’Oran, d’Arzila, d’Alger. Impulsion du trafic entre les différentes régions du monde. L’essor urbain fut une marque de ces échanges.
Des villes comme Kumbi (Ghana), Silla et Barisa sur le fleuve Sénégal, Kaw-Kaw sur le Niger, assuraient la jonction entre le monde musulman, d’une part, et les pays de la savane et de la forêt ouest-africaine, d’autre part. Il faut signaler dans cette foulée, la fondation des comptoirs sur la côte orientale de l’Afrique : Mogadiscio, Malindi, Mogadiscio,Mombassa, Kilwa, Sofala, et Kizimkazi à Zanzibar.

Les produits faisant l’objet d’échanges intenses, à cette époque, se repartissaient en quatre catégories : les matières premières; les produits de subsistance; les articles de luxe à usage social; les produits de consommation de luxe.
Pour ce qui est des matières premières, il s’agissait du fer, du lin, du coton, de la gomme et de l’indigo. Il faut signaler l’exportation du fer fabriqué dans l’empire du Ghana vers d’autres régions de l’Afrique occidentale. A noter également que de l’Afrique orientale, ce métal était exporté en Inde.
Quant aux produits de subsistance, ils occupèrent en volume la première place parmi les échanges interafricains.
Le blé du Maghreb était drainé vers le Soudan et le Sahara occidental. L’huile d’olive de cette région était vendue à la faveur des échanges dans toutes les directions. Les excédents des céréales de l’Egypte alimentaient les circuits vers la Lybie, la Nubie et le Cyrénaïque.
Le mil, le sorgho et le beurre de karité du Soudan étaient diffusés dans toutes les directions. Le poisson séché et fumé sur les côtes maritimes et les pays riverains du fleuve étaient destinés à l’intérieur du pays.Il faut y ajouter le trafic du sel (sel gemme et sel marin).
Parmi les articles de luxe à usage social, signalons les esclaves, les chameaux ansi que les chevaux. Dans la même catégorie : textiles, métaux précieux, perles, ivoire, artisanat (la ville de Taranka sur le Moyen-Sénégal était célèbre pour ses pagnes de coton fin, les Shakkiyyât).
Pour ce qui est de l’or, les régions ci-après en étaient les principaux producteurs :
Le Bambouk, le Galam et le Bure en Afrique de l’ouest; l’Afrique australe; la Nubie.
Le cuivre servait de monnaie, ou alors intervenait dans la fabrication d’objets d’arts et de produits de luxe. Il faisait l’objet d’un trafic important entre les zones productrices (Katanga, Aïr, Sahara occidental), les pays yoruba et l’Afrique septentrionale. Signalons également les perles et les pierres précieuses du Sud Maghreb ainsi que du Soudan.

La diffusion des techniques à l’échelle continentale a été mise en évidence.
Cinq branches principales d’activités ont connu d’importants progrès :
l’extraction minière, la métallurgie;et l’agriculture (diffusion des plantes ou des nouvelles espèces à la faveur des échanges qui ont été répandues en dehors de leur zone d’origine). A ce propos, certaines variétés de riz, d’origine asiatique, avaient gagné les oasis égyptiennes et le sud du Maroc. Le sorgho plante d’Afrique sub-saharienne se répandit en Egypte, en Cyrénaïque, en Syrie ainsi qu’en Europe du Sud. La culture de la banane et de la noix de cola participèrent de l’essor du commerce de l’Océan Indien.). L’artisanat au cours de cette période ne fut pas en reste ainsi que les techniques commerciales (large gamme des monnaies : e.a. le dinar d’or, les coquillages, les cauris, les barres de sel, les anneaux de cuivre); et les techniques de la guerre.

En guise de conclusion

Nier que l’Afrique ait été , au cours du premier millénaire de notre ère, un lieu d’échanges intenses marqués par des transferts techniques, des contacts entre cultures et religions ne pourrait être que le fruit de la troncation des faits, à des fins idéologiques .
Les échanges de techniques, le transfert de traits culturels et sociologiques, la diffusion des plantes ont marqué le premier millénaire de l’ère chrétienne et les siècles suivants.
L’expansion de l’Islam ainsi que du commerce ont stimulé la création des empires dans la région soudano-sahélienne sans en être le facteur exclusif. Les royaumes de Kongo et de Monomopata ont évolué en dehors de cette influence.
Les centres de négoce notamment sur la Mer Rouge et dans l’Océan Indien ont constitué des foyers d’acculturation éducative et religieuse. Cependant dans certaines zones, au Soudan et chez les Berbères, l’Islam est accepté sans l’arabisation.
En Nubie, le christianisme, en tant que religion monothéiste, facilite l’implantation de l’Islam.
L’islamisation emprunte des modalités différenciées même si elle fut favorisée par le commerce avec des régions lointaines. Les premiers agents de l’Islam furent, en effet, des marchants d’origine arabe, persane, et berbère, puis les convertis africains.

L’Afrique fut partie prenante des échanges au niveau du monde mais lui est tout aussi redevable de ses progrès, son destin s’est joué au contact d’autres peuples. Elle a occupé par ses produits et ses savoirs-faire une place de choix dans les échanges internationaux. Sur son sol ont éclos des royaumes et des empires dont celui du Mali et de Kongo sont parmi les plus glorieux.

Tous ces faits ne peuvent qu’inciter à la prudence quant à notre relecture du passé.
L’Afrique n’a été ni un continent isolé ni un espace de stagnation. Certaines créations sont de son génie et d’autres lui viennent de ses contacts avec d’autres peuples. Les religions étrangères se sont acclimatées plutôt que le contraire. Sur ce plan, la tolérance a été la règle ente les monothéisme et les animismes. Certains pays ont fait la synthèse des traditions judaïques, chrétiennes, animistes et musulmanes. Il convient d’y réfléchir lorsque l’on parle de culture africaine, laquelle est la synthèse de plusieurs héritages comme l’a montré Mazrui.
Dès lors, le contact avec l’Europe à partir du XV° siècle n’est pas à interpréter comme le début des relations de l’Afrique – supposée pure de toute influence-pure avec le monde extérieur.

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